Ce parcours dans les représentations des sourds-muets aborde les discours de leurs maîtres, pédagogues, savants, médecins ; quel est le rôle de la société dans la naissance identitaire des sourds ? Pour quelles raisons et comment naissent leur mouvement associatif ? L'existence de réelles intégrations sociales et économiques des sourds, comme nous les révèle l'histoire de Martha's Vineyard, au large de Cape Cod, nous invite à reconsidérer le regard porté sur l'enfant sourd-muet ? Peu à peu se dessine alors d'autres cadres, selon les espérances ou les limites posées par leurs auteurs : nous traversons des projets, proposés ou réalisés, dans des contextes contre-utopiques révolutionnaires ou institutionnels ;

il y a encore les approches uchroniques qui décrivent ce qu'aurait pu être l'humanité, si elle avait été sourde et silencieuse dès l'origine des temps ; quels sommets auraient atteint les signes ? Quelles sciences se seraient constituées dans une civilisation du signe ?

Les sourds reprennent donc ces thématiques en réponse de leurs attentes déçues : ils évoquent une grande famille silencieuse, un peuple, une nation, dont la langue ne connaît aucune frontière, et certains proposent de fonder une petite république, ou d'accéder à la représentation parlementaire.

Le combat associatif bien légitime se fortifie des attaques portées à la langue des signes, à l'intégrité morale et civique des sourds, mais il provoque en retour une profonde méfiance, les signes devenant alors un vecteur d'exclusion.

Les utopies silencieuses sont ainsi émaillées de luttes internes et externes, ascensionnelles, politiques : elles nous offrent un sujet de méditation sur le long chemin de la reconnaissance dont le 19^e siècle pose les jalons.

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